(2 Sam 7, 1-5. 8b-12. 14a. 16; Ps 88 (89), 2-3, 4-5. 27.29; Rm 16, 25-27; Lc 1, 26 – 38)
Avant de commencer notre méditation de ce jour, rappelons-nous les différents thèmes qui ont structurés les trois premiers dimanches. Le premier dimanche nous invitait à la confiance l’un à l’autre, en la vie, en ces cycles mais aussi et surtout en l’avènement de l’Enfant de Bethléem. Au second, nous devions écouter la voix du Seigneur pour une bonne reconfiguration spirituelle. Il fallait faire le plein d’énergie pour la route. Au troisième dimanche, nous étions au symbole de l’amour : le cœur. Il évoque la personne humaine, son être unique, sa liberté, le don d’elle-même.
Nous voici donc au quatrième dimanche de l’Avent avec l’annonce de la naissance de Jésus par l’ange Gabriel à Marie. Il lui annonce une Bonne Nouvelle. « Ah qu’ils sont beaux sur la montagne, les pas de ceux qui portent la bonne nouvelle, qui annoncent le salut et la paix » (Is52,7). Après avoir évoqué un état général : la confiance et des éléments de la partie supérieure de l’humain : la voix et le cœur, nous couronnons ce matin notre temps de l’Avent avec une partie inférieure du corps : le pied.
Le pied est d’autant plus méprisable qu’il est éloigné de la tête, du chef. En même temps, c’est lui qui porte tout le poids du corps débout. Il révèle en fait la disposition de l’âme (Pr1, 15). Avec Marie, nous avons le modèle de cette belle disposition de l’âme.
Voilà une jeune fille qui reçoit la visite d’un ange qui lui dit : « Tu vas être enceinte alors que tu n’es pas mariée. Tu seras jetée en pâture aux commérages de ton village et tu seras la honte de ta famille. Mais ne crains pas car ton enfant sera le sauveur du monde. » Qu’est-ce qu’elle répond ? « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. »
Un des enjeux de la vie spirituelle est le grand oui à ce qui arrive. Si l’homme du ressentiment selon Nietzsche se morfond sur son passé et le subit, l’homme libre choisit ce qui lui arrive. Il est disponible pour l’accueil et la gratitude.
Marie est une lumière pour éclairer nos pas sur le chemin de la foi mais aussi et surtout pendant ce temps de pandémie que nous vivons. Elle a traversé elle aussi la morosité, le gris ambiant pour devenir une résistante.
Je vais vous raconter une histoire, notre histoire et faire un parallèle qui peut-être va nous aider. Au moment de la seconde guerre, la génération qui n’avait pas connu la précédente était exalté et se disait : « nous allons enfin nous engager ». Ils sont allés s’inscrire sur les listes pour être militaire. Ils étaient dans l’euphorie de gagner la guerre. Quand ils ont commencé à sentir la réalité, ce n’était plus du tout passionnant.
A la reddition, le fait de sortir avec des contrôles permanent et des couvre-feux donnait l’impression que le monde entier était dans l’anxiété. Cela à transformer les gens d’une façon profonde et ils sont rentré dans ce que j’appelle le gris. Pour certains, dès qu’ils prenaient le métro, ils dormaient. Dès qu’ils sortent, ils sont tendus. Il y a un monde de l’anxiété à l’intérieur d’eux qui ressemble à un marécage dans laquelle ils essaient de survivre. La grande majorité, c’est retrouvé paralysé dans cette marrée de la vie.
Mais certains ont commencé à dire non et ce sont dit que derrière ce gris ambiant il y a encore le soleil. Ils ont commencé à sentir en eux la présence du soleil. Alors que le futur n’existait plus à l’extérieur, que les lois, l’organisation du monde ne correspondait plus du tout à ce qu’on pouvait accepter. Un monde s’est créé en eux. Et il y avait une certitude qu’ils marchaient vers ce monde. Et ces gens ont été les résistants. Eh bien, nous sommes dans la même situation et la bienheureuse Marie aussi. Si vous sentez au fond de vous cette morosité, ce gris venir, je vous assure que vous n’êtes pas dans la dépression. Vous n’êtes pas malade, vous êtes en accord avec cet environnement fou. Et cette anxiété générale vous touche. Pour ceux qui trouvent encore de la saveur, malgré tout on sent une lassitude où un monde qui n’a pas de futur devient un monde en dépression. Je ne sais pas où je serai en vacance à noël, je ne sais pas si la situation va durer encore, je ne sais pas….
Le « je ne sais pas », crée une anxiété terrible. « Comment cela se passera-t-il puisque je ne suis pas le chemin des hommes » nous dit la bienheureuse Marie. C’est pourquoi il faut trouver le « je sais », la lumière en soi. C’est l’époque où doit fleurir les résistants qui font apparaître dans cette grisaille un soleil autrement du monde de demain. Essayons de creuser au cœur de notre brume, le soleil que nous porterons un jour avec joie, comme Marie.
Pierre SONTE, prêtre.