DEUXIEME DIMANCHE DE L’AVENT : ANNEE B

(Is 40, 1-5. 9-11 ; 2 P 3,8-14 ; Marc 1, 1 – 8)

Frères et sœurs, en ce deuxième dimanche de l’Avent, l’évangéliste Marc nous annonce qu’une Heureuse Nouvelle est proclamée haut et fort.  C’est pourquoi, nous avons choisi la voix comme symbole de ce dimanche mais aussi et surtout de l’annonce. « Quelqu’un crie : Dans le désert, frayez le chemin du Seigneur ! Aplanissez une route pour notre Dieu dans la plaine aride ! »  C’est dans le désert que se prépare le chemin du Seigneur. L’Évangile nous appelle à faire cette expérience. Il nous invite à vivre le temps d’épreuve que nous traversons dans ce confinement mais aussi à un temps de reconfiguration spirituel qui nous permet de retrouver le chemin de la fidélité avec Dieu alors que nous perdons petit à petit la route de nos églises et l’habitude de nos célébrations eucharistiques en présentiel. Tout en gardant confiance en des lendemains meilleurs, tournons-nous à nouveau frais vers celui qui vient : Jésus-Christ. C’est une invitation à la conversion.

A propos de la conversion, un commentaire rabbinique raconte qu’avant la création, Dieu, comme un bon architecte, a commencé par dessiner le plan du monde qu’il se proposait de créer afin de vérifier s’il était viable. Mais aucun des plans qu’il faisait ne tenait debout, tous les mondes qu’il dessinait s’écroulaient sur eux-mêmes. Au bout de vingt-six essais infructueux, Dieu a eu l’idée de créer quelque chose de géniale et enfin le monde qu’il a dessiné ne s’est pas effondré. Selon cette interprétation, c’est le changement de comportement  qu’il fit, qui fait que le monde tient debout. Sans la repentance – qui est cette capacité de s’arrêter, de regarder le chemin parcouru, de s’apercevoir qu’on a fait fausse route, de faire demi-tour et de repartir – le monde explose.

Notre Dieu, est un Dieu patient qui prend le temps de prendre chacune et chacun de nous contre son cœur. En Jésus bat le cœur de Dieu. La bonne nouvelle de Jésus Christ, c’est d’entendre la voix du changement. C’est d’entendre que Dieu nous prépare à être contre son cœur  de tendresse.

A propos de la voix bienfaisante, il y a quelques jours une famille m’a appelé pour un différend avec leur  doyenne d’âge : 92 ans.

La dame me dit que depuis le confinement, « mes enfants et petits-enfants ne  viennent plus me voir. Tous veulent qu’on porte des masques. Et quand ils portent des masques, je ne les reconnais plus. Je ne les entends plus. Je suis complètement perdue. Pourtant, je suis à la maison, j’ai une bonne santé, j’ai l’habitude de les entendre, de les voir et de les toucher ».

Pour les enfants et petits-enfants, c’est la preuve qu’ils aiment leur maman et grand-mère. Ils ne veulent pas avoir sa mort sur la conscience et pleurer toute leur vie.

Je comprenais bien la situation de ses enfants et petits-enfants. J’ai demandé à notre doyenne d’âge. Que voulez-vous que je fasse ? Elle me dit : « Mr l’Abbé dans les situations difficiles l’on vous fait appel pour trouver les mots, pour qu’on comprenne. Trouver moi une parole apaisante pour mes enfants pour qu’ils reviennent à de meilleurs sentiments ». Je lui ai dit vous savez, on entend que ce qu’on veut entendre. Mais si vous devez mettre vos mots, qu’est-ce que vous leur diriez. Aujourd’hui, dites-moi le fond de votre cœur. Vous avez quand même peur de mourir comme toute personne ? Elle me dit : « je le sens bien, mais je n’ai pas peur. Je sens que c’est la fin. Vous savez,  nous sommes au début de l’hiver mais pour moi nous sommes  à la fin. Mes jours, mes mois, ne sont plus très long. Je ne veux pas être privé de ce qui fait l’essentiel de la relation avec mes enfants et petits-enfants. La voix qui crie, granny, mamy  et que le masque étouffe désormais. Depuis des semaines, j’ai l’impression de rentrer dans un froid incroyable. Je veux bien aller vers le froid mais ne pas mourir de froid. » Je lui dis,  vous voyez que c’est bien un risque difficile pour eux à gérer. Que c’est même une grande preuve d’amour de vous préserver. Elle me dit : «  Mr l’Abbé comprenez bien, la mort vient par où elle veut, tout est messager pour la faire venir. Eh bien moi, si c’est l’amour de mes enfants et de mes petits-enfants qui m’emmène  la mort alors ce sera une nouvelle et vraie vie ». En fait, elle ne veut pas mourir du COVID. Elle veut un baiser d’amour pour vivre. J’ai apprécié cette image. Que le messager soit de l’amour, pour emmener à la vie. Je lui ai dit pour terminer : « c’est vous qui avez les bons mots, pas moi ! Là vos paroles sont magnifiques. Vous les avez dites à vos enfants ? » Elle était horrifiée et toute pleine de larmes.

La granny, mamy entend qu’il reste peu de chose dans sa vie. Les enfants et petits-enfants ont besoin de croire qu’il reste 10 – 15 ans à vivre encore avec elle. C’est parce qu’ils croient à un futur, qu’ils ne peuvent pas aller dans son présent. C’est parce qu’elle aussi croit en son présent, qu’elle ne peut pas se projeter dans leur futur.

Alors tous ensemble frères et sœurs,  trouvons le bon ton, les bons mots, la bonne manière, la voix de l’amour,  pour faire vivre et revivre nos aînés, nos parents, nos frères et sœurs esseulés qui ont juste besoin d’entendre une vraie voix qui les appelle par leur prénom, à la vie.  Tel est mon souhait pour chacune et chacun de nous.

Pierre Akraman, Prêtre.

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